Home, sweet home…

Home, sweet home...

« A la campagne, dans le coin de la chambre tu vois remuer un rat. Ou serait-ce seulement une loque que l’air a fait frissonner? Tantôt plus rat, tantôt plus loque. Celui qui n’a encore jamais tué transpire, pris de malaise et d’une dévoyante émotion inattendue qui approche même du vertige. La virginité encore intacte (quant au meurtre) reçoit une tentation, un choc. Pleines de problèmes, les virginités. La frêle colonnette de petites vertèbres qui fait tenir ensemble le petit animal fureteur et imprudent comme toute son espèce, irrespectueuse de l’homme, ah! si un coup sur le dos lui était asséné, c’en serait fini de cette irritante vie au ras du sol. Déjà de l’inavouable prend en toi des proportions énormes, les proportions d’une guerre! Pour un rat! Ainsi travaille l’irrésolution. Allons, agis, un rat, ça ne va pas crier tellement fort. Mais le problème demeure: une virginité doit-elle être vaincue, ou gardée? Décide-toi, le rat n’attend pas… Il a déjà filé. Lui aussi vivait une aventure pressante qu’en individu d’action il résolut lestement. » (Henri Michaux, Poteaux d’angle, Gallimard, NRF, 1981, pp.66-67)